On
ne le voit pas toujours sous les feux de la rampe. Il est
discret (par nature ou par choix? Sans doute un peu des deux).
Il est néanmoins efficace et apporte sans bruit une
contribution inestimable à l'organisation des activités
de l'association et à la cohésion de la communauté. Daniel
Loundou Massala fait l'unanimité sur sa
personne et ses qualités de rassembleur. Il est l'un
des doyens les plus respectés de la communauté;
c'est celui vers qui on se tourne toujours pour quérir
un conseil, une aide quelconque. Et on peut être sûr
qu'il fera toujours quelque chose d'utile. Parfois, il prend
l'initiative si les circonstances le commandent pour aider à faire
avancer les choses. Portrait d'un sage au service des siens
et des autres.
Entretien
avec .........Daniel Loundou Massala
(Propos
recueillis par Rodrigue Ossi de Lümbangoye)
Daniel,
tu es l'un des membres les plus anciens à Montpellier;
depuis quand y habites-tu?
-J'habite à Montpellier
depuis septembre 1974. C'est à Montpellier que j'ai
fait toutes mes études de philosophie jusqu'en thèse à l'université Paul
Valéry. Mais après plusieurs interruptions
provoquées par la suppression de ma bourse, la détérioration
de ma situation sociale et des incompréhensions entre
mes directeurs successifs et moi, j'ai soutenu ma thèse à l'université Paris
VIII. C'est un défi qu'il fallait relever. A Paul
Valéry, j'ai préparé aussi une licence
en sciences de l'éducation que j'ai obtenue en 1994.
Car mon objectif était d'enseigner la philosophie
de l'éducation aux jeunes gabonais si la situation
sociale du pays me l'avait permis. L'absence d'une issue
positive m'a conduit à subir la précarité de
la condition des immigrés à Montpellier.
- Toi
qui as eu le privilège de voir l'AGLR naître
et grandir , en quoi est-elle aujourd'hui différente
de ce qu'elle a été dans le passé?
-L'AGLR
a acquis une expérience organisationnelle évidente.
Par rapport à ses objectifs fondateurs, des progrès
sont nets et réels surtout sur les plans des activités
culturelles et sportives d'une part; et d'autre part sur
la solidarité patriotique et sociale. L'AGLR a réalisé un
travail qualitativement positif en direction de la communauté gabonaise:
elle a apporté un soutien moral et matériel
constant aux compatriotes endeuillés. Les activités
culturelles de ces deux dernières années ont
connu un succès réel même si elle doit
davantage améliorer leur contenu.
- Quel
conseil pourrais-tu donner aux plux jeunes pour que les
choses continuent à avancer dans le bon sens?
-Le
conseil le plus important que je peux me permettre de donner à nos
jeunes compatriotes c'est qu'ils poursuivent au sein de l'AGLR
le développement de la conscience patriotique, de
la solidarité et de l'entraide entre tous les gabonais
et toutes les gabonaises; développer aussi le débat
démocratique sur tous les problèmes de société qui
touchent le Gabon, sans exclusive; pratiquer l'unité et
non la division entre nous, maifester à travers nos
actions l'amour du pays et de la communauté.
- Quels
ont été tes engagements de jeunesse?Et qu'en
est-il aujourd'hui?
- Mes
engagements de jeunesse ont été essentiellement
le militantisme syndical au sein de l'AGEG (association générale
des étudiants gabonais) de 1974 à 1981. Cela
reste aussi mon meilleur souvenir à Montpellier. Lorsque
le gouvernement avait décidé de supprimer massivement
les bourses pour nous obliger à rentrer au Gabon,
nous avons vécu, à travers ce que nous avions
appelé "la communauté de Soweto" un
moment exaltant;face à ces difficultés, s'est
développé un esprit de fraternité, de
résistance, de solidarité et d'entraide patriotique.
Aujourd'hui encore ce souvenir m'aide dans ma volonté de
m'ouvrir à la jeunesse gabonaise avec laquelle je
partage une proximité de vie à Montpellier.
Aujourd'hui,
en tant que progressiste, mon engagement se poursuit dans la lutte pour
l'instauration de la démocratie véritable au Gabon et en
Afrique, pour la paix, et contre la mondialisation libérale qui,
comme au temps du système esclavagiste, est en train d'organiser
un second génocide à l'échelle du continent africain.
- Tu
as soutenu il y a trois ans une thèse de doctorat
en philosophie à Paris. Tu peux nous en parler
un peu?
-
Oui, en effet, malgré les circonstances qui ont entouré mon
existence, j'ai pu soutenir une thèse en philosophie à Paris
VIII le 11 décembre 2001. Le titre était: "La
théorie de l'intuition chez Arthur Schopenhauer".
Mon projet initial était de faire une thèse
de la connaissance dont le fondement intuitif devait être
illustrés par des exemples tirés des formes
culturelles gabonaises: je voulais montrer que l'intuition
est au fondement de toutes les formes de connaissances conceptuelles.
Mais l'absence d'une documentation écrite sur le sujet
a amené le professeur à me dissuader de le
garder. J'ai gardé le thème de l'intuition
et fait le choix du dernier des plus grands philosophes idéalistes
allemands de la fin du XVIIIè siècle: Arthur
Schopenhauer est celui qui, dans sa cosmologie de la volonté et
du monde, a su dégager avec profondeur et authenticité cette
intuition unique du monde. J'autorise la reproduction du
résumé dans le journal ou tout autre support
de l'AGLR afin que tout gabonais ou toute gabonaise qui le
désire se fasse une idée de ma réflexion
sur l'intuition dans son fondement et le système de
Schopenhauer. Un débat est, de mon point de vue, possible
ultérieurement.
- Est-ce
que tu penses qu'il existe une philosophie africaine
avec une forme de rationalité propre?
- Cette
question mériterait un plus ample débat. Aujourd'hui,
dans les conditions de cet entretien, ma réponse ne
peut être qu'insuffisante, brutale et approximative.
Là où existe une communauté humaine
organisée (quel que soit le degré de cette
organisation), existe en même temps une faculté de
représentation du monde et de création des
formes sociales et culturelles pour sa conservation. C'est
de ces intuitions créatives et représentatives
de la société et du monde que naît la
philosophie, c'est-à-dire la sagesse en tant que connaissance
et élevation morale.
Mais l'existence de ces intuitions n'implique pas automatiquement
l'existence de formes de pensées rationnelles et philosophiques à toutes
les époques ou à l'échelle d'un continent. Notre réflexion
sur cette question doit nous conduire d'abord à examiner les conditions
de formation de formes localisées de pensées avant toute confirmation
ou infirmation de l'existence d'une philosophie africaine et d'une rationalité propre;
- Que
penses-tu de l'avenir de la communauté gabonaise à Montpellier
et surtout de l'avenir du Gabon?
-
La communauté gabonaise du Languedoc-Roussillon est
essentiellement composée d'étudiants et de
stagiaires, donc majoritairement une population flottante.
Cela pose un problème pour la communauté et
l'AGLR à définir des perspectives à long
terme. Je soutiens toutefois la poursuite des efforts entrepris
pour la conscientisation et la solidarité patriotique
entre les gabonais et les gabonaises. Tout ce que chaque
gabonais réalise en direction e la communauté et
du pays contribue à dessiner un avenir radieux auquel
il faut croire. Cela doit se poursuivre car c'est la voie
du bon sens qui élève chacun à la conscience
supérieure dont personne ne peut faire l'économie
dans sa participation à l'avènement d'un Gabon
meilleur.