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  Enseignement supérieur: les raisons de la colèreSerge Maurice Pambou - Enseignant à l'UOB. 

 Les dernières résolutions prises par les pouvoirs publics dans la crise que connaît l'enseignement supérieur depuis quelques années déjà n'augurent rien de bon et sont plutôt de nature à susciter une grande crainte pour l'avenir de notre système éducatif. A cet égard, deux types de facteurs peuvent expliquer ce sentiment d'inquiétude pour un système qui semble aller à vau-l'eau : d'une part, l'inadéquation des réponses des pouvoirs publics aux problèmes de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, nos hommes politiques faisant véritablement preuve de cécité et de surdité aiguës ; d'autre part, le conservatisme qui sévit sur les campus universitaires et dans les milieux de la recherche. Toutefois, plutôt que de nous contenter de dénoncer ces manquements, nous faisons depuis quelques deux ans, à la FRAPES, un certain nombre de propositions qui, si elles ne veulent pas suivre le chemin de toutes les études qui caractérisent le Gabon, doivent donc être suivies d'effet. .
    Nous vous présenterons par conséquent les fondements de la crise de l'enseignement supérieur (I) avant d'évoquer les perspectives d'un service public à la gabonaise (II).


I°)- L'INADEQUATION DES REPONSES DES POUVOIRS PUBLICS

    Les derniers projets du gouvernement, présentés comme une réponse aux problèmes de l'enseignement supérieur, constituent à nos yeux un revirement complet et semblent s'inscrire dans une perspective où le flou des propositions le dispute à la méconnaissance des besoins du milieu universitaire.
    En effet, contrairement à l'esprit de notre rencontre avec le chef de l'Etat, il y a quelques deux ans, les pouvoirs publics ont choisi de revenir sur le mode de désignation des chefs d'Etablissement. En outre, ils se proposent de créer dans la précipitation et sans concertation aucune une Université de Médecine et des Sciences de la Santé ; tout en évoquant des mesures qui auraient été prises pour satisfaire les exigences des enseignants.     De telles dérives nous interpellent à la FRAPES et nous confortent dans l'idée que l'orientation qui semble être celle du gouvernement exige un débat national dans les milieux de la recherche et de l'enseignement supérieur.
    En ce qui concerne plus particulièrement l'enseignement supérieur il importe de rappeler aux uns et aux autres les conditions de grande précarité des différents acteurs de l'université. C'est ainsi que plus de 12000 étudiants croupissent dans un cadre prévu pour en accueillir 2500. Les salles de cours, les amphithéâtres et autres bibliothèques sont dépassés en termes de capacité d'accueil ou de qualité des ouvrages.
    Or, contrairement aux dénégations du gouvernement, on ne peut pas dire qu'à la détérioration des conditions de vie et d'apprentissage des étudiants, ainsi que du personnel affecté - sacrifié ? - à leur formation, les pouvoirs publics ont répondu par des moyens matériels et humains appropriés.
En effet, une véritable politique de l'enseignement et de la recherche scientifique aurait dû tenir compte du taux de croissance démographique, explosif en milieu urbain puisque de l'ordre de 8,5 %, d'une part ; de l'orientation de l'appareil productif dans un horizon raisonnable de 25 ans, d'autre part.
    A cet égard, la politique de l'éducation se devait d'anticiper les besoins en programmant les investissements dans deux directions essentiellement : repenser les universités de Libreville et de Masuku, d'abord ; décentraliser les pôles universitaires existant, ensuite.
    Pour ce qui est du premier cas de figure, on ne peut que s'étonner de voir l'UOB et l'USTM sombrer de façon inexorable, alors que l'Etat mettrait entre trois et quatre milliards de francs CFA, chaque année, à la disposition de ces deux universités. Il importe donc de se pencher sur ces deux institutions afin d'offrir un cadre d'apprentissage décent à une jeunesse que l'on a voulu sacraliser en son temps et qui pourrait rapidement se sentir sacrifiée si rien ne change. A la FRAPES, nous sommes convaincus que la restructuration de ces deux éléphants que sont l'UOB et l'USTM gagnerait à être accompagnée par des mesures vigoureuses telles que la décentralisation des pôles universitaires.
    C'est ainsi que des universités pourraient être créées à Port-Gentil, Lambaréné et Oyem. Ainsi, l'Etat ferait face en partie au phénomène d'exode rural. Tout ceci, dans un souci d'aménagement du territoire ; n'en déplaise aux Punguphiles, les adeptes de la secte du Tout à Libreville. Naturellement une telle démarche doit être initiée en concertation avec les milieux universitaires et, surtout, leurs corporations. Or, à la lumière des dernières décisions prises par les pouvoirs publics, on est loin du compte. De sorte que le gouvernement donne l'impression de vouloir satisfaire l'ego ethnique de quelques enseignants en rupture avec la recherche.
    Pour ce qui est des moyens humains, le constat est aussi le même puisque aucune ligne directrice ne se dégage. C'est ainsi que l'USTM est sortie de terre sans que l'Etat ne pense à ceux qui allaient y travailler ; des enseignants-chercheurs aux techniciens supérieurs. Dans un tel contexte, le recrutement n'a jamais été le fruit d'une orientation qui correspondait aux besoins du moment et à venir de la nation. Le même constat peut être fait pour l'UOB qui ne nous sort pas des spécialistes du droit maritime, du droit de la famille, des sciences financières, etc. Le recrutement est encore fait au gré des humeurs et ne correspond donc à aucune logique de moyen-long terme. Dès lors, on a l'impression qu'il faut rémunérer des gens en leur donnant un emploi.
    A l'évidence, du point de vue des moyens matériels et humains, la politique menée dans l'enseignement supérieur manque singulièrement de lisibilité et de souffle. Depuis une quinzaine d'années, les colloques succèdent aux séminaires, les journées de réflexions aux réunions de concertation pour aboutir à l'élaboration d'instruments et de mécanismes qui sont aussi efficaces qu'un cautère sur une jambe de bois.
    Entre temps, l'Etat préfère s'accrocher coûte que coûte à la nomination d'un certain nombre d'acteurs tels que le Recteur et fait montre de peu de cas du rôle des syndicats et autres structures sur lesquelles il n'aurait aucune prise.

II°)- LE CONSERVATISME ET A LA FRILOSITE DES UNIVERSITAIRES

    S'il est vrai que de très bons résultats viennent d'être enregistrés par nos collègues au CAMES, une telle situation est relativement paradoxale, pour plusieurs raisons.
     D'abord, elle n'est pas le fruit d'une organisation sans faille et qui profiterait à tout le monde. Ensuite, elle cache mal l'ambiance délétère qui prévaut désormais sur les campus. Enfin, elle ne signifie pas que les filières de formation se sont désormais mises au diapason des besoins du marché du travail. Où quand université rime avec ethnicité, frilosité et comportement moutonnier.
    Certes, il convient de reconnaître les efforts qui ont été faits dans ce domaine et la part active de jeunes enseignants dans l'éveil que l'on peut constater sur les campus. A cet égard, nous ne pouvons que nous réjouir de la formidable levée à laquelle on assiste depuis deux à trois ans.
    C'est ainsi que les résultats que nos jeunes et brillants collègues enregistrent depuis lors sont l'aboutissement de l'obstination de quelques enseignants. Ces derniers, véritables visionnaires, ont pris sur eux de se sacrifier pour l'institution universitaire. Pour autant, le remarquable travail que ces barons éclairés fournissent inlassablement depuis une vingtaine d'années pourrait être obéré par les effluves pestilentielles récurrentes dès lors qu'on parle de carrière.
    La carrière des jeunes enseignants - et des moins jeunes - dans ces conditions, pourrait bientôt ne plus être un long fleuve tranquille car les règles, forcément, ne sont pas les mêmes pour tous les acteurs de la recherche scientifique ; tous n'étant certainement pas logés à la même enseigne.
    Ainsi, l'information est bien souvent cloisonnée et il n'est pas rare de refuser à certains ce qui est accordé à d'autres. Pour beaucoup d'enseignants, tout dépend de la qualité du carnet d'adresse du chef d'établissement, du chef de département, ou des travaux réalisés lors de leur parcours universitaire français.
    Autant d'éléments susceptibles de cristalliser les passions et les rancœurs, au point de contribuer, de façon relativement significative, aux blocages qui sont observés sur les campus et au CENAREST.
    Le deuxième élément qui peut expliquer la colère des uns et des autres dans notre respectable - et respectée ? - maison, tient à l'ambiance nocive qui semble caractériser désormais notre institution.

    En évoquant les senteurs, on peut toujours rajouter un nuage avec le mode de désignation des chefs d'établissement. La période électorale est souvent propice aux dérapages de toutes sortes et ce n'est pas le scrutin de l'an 2000 qui aura contribué à changer la donne.
Ici, les écuries et les différentes lignes qui semblent se dégager ont encore un fort relent " nationaliste ". Le voisin est honni, du fait de sa seule appartenance au groupe ethnique de l'adversaire d'un jour. Il valait mieux être du sérail lors des dernières élections et ce ne sont certainement pas les membres de la commission électorale, de juin 2000, qui diront le contraire ; eux qui ont failli se faire lyncher dans plusieurs établissements de la très sérieuse UOB.

      Dès lors, les campus de Libreville et de Masuku ressemblent, depuis quelques années déjà, à des eaux saumâtres dans lesquelles règnent en maîtres absolus quelques reptiles sauriens et qui en interdisent l'accès aux intrus. Où quand université rime avec chasse gardée.
    Ainsi donc, les querelles de clocher sont le quotidien de ces maisons parmi les plus respectables de la république, officiellement à cause de la vision que l'on a de la carrière de l'enseignant ou du chercheur, mais plus sûrement parce que l'université est un véritable enjeu de pouvoir. Aussi, en dépit des efforts qui sont faits depuis quelques années pour (re)donner à l'université gabonaise ses lettres de noblesse, force est de constater qu'elle continue de traverser de fortes turbulences dont les manifestations les plus visibles sont les grèves que nous connaissons de façon récurrente depuis deux ans.
   

    Le comble c'est que les étudiants, que l'on maintient dans un infantilisme outrancier, sont utilisés par ceux-là même qui ont vocation à les éduquer et à leur apprendre un certain nombre de valeurs.
    Du coup, on en vient à oublier les missions qui sont les nôtres et qui nécessitent une réforme des enseignements. Ce qui, soit dit en passant, est bien du ressort des universitaires par le biais du Conseil de l'université.
    A ce propos, nous souhaitons rappeler aux uns et aux autres le rôle central tenu par la FRAPES chaque fois qu'il s'est agi de proposer des réformes ou d'initier un débat au sein des différentes composantes de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Or, à l'heure actuelle, nos amis des 30 A.G. se contentent d'ériger un syndicat contestataire et ne semblent préoccupés que par l'amélioration des conditions de vie des enseignants. Ce que nous ne saurions minimiser d'ailleurs ; un formidable travail ayant été accompli, en un peu moins d'un an, par nos amis.
    Pour autant, nous tenons à le rappeler, il convient de reconnaître à la FRAPES, la paternité du renouveau syndical à l'UOB.

 En effet, dans un document, qui a fait date, elle a osé la première dénoncer les eaux glauques de l'université gabonaise de même que la cécité du gouvernement. Ainsi, elle a initié la réflexion et associé les autres syndicats tels que le SNEC et le SAENSUP à sa démarche, dès avril 2000. Aujourd'hui, Victoire est devenue notre fille à tous ; et, surtout, la leur.
    Au-delà de ces attitudes condamnables, se pose enfin le problème des missions qui sont assignées aux enseignants et aux chercheurs. A la lumière de l'article 3 de la loi N° 021/2000, on ne peut qu'être consternés par le caractère suranné des formations qui sont dispensées dans la plupart des établissements d'enseignement supérieur au Gabon.
    C'est ainsi que depuis quelques années déjà, notamment en ce qui concerne la formation dans les grandes écoles, les entreprises de la place snobent - c'est un euphémisme - les étudiants issus d'un certain nombre de filières du fait de l'inadéquation de la formation à leurs besoins.
    On en veut pour preuve la rigidité des formations à l'ENSS qui continue de former des secrétaires bilingues ou trilingues dont personne ne veut, ne serait-ce qu'à cause de leur méconnaissance flagrante d'un certains nombre d'outils informatiques. En outre, alors que le marché aurait plutôt tendance à demander des assistantes de direction et des secrétaires comptables, juridiques ou médicales, ces formations n'existent pas ou ne sont même pas envisagées.

    De même, beaucoup de parents d'étudiants se demandent aujourd'hui quelle est la pertinence de la formation en économie, en droit, en gestion, en médecine, ou en lettres et sciences humaines ; puisqu'ils sont souvent obligés d'intervenir pour placer leur progéniture. Certes des réformes sont initiées depuis deux ou trois ans - notamment en droit et sciences économiques, à l'INSG et à l'ENSET - mais elles se heurtent encore à des forces d'inertie dont le moins que l'on puisse dire…c'est qu'elles ne s'en laissent pas compter.
    La FRAPES, depuis qu'elle existe, a toujours été au coeur du combat pour une université citoyenne et fondée par des valeurs de justice et d'équité sociales. Elle a choisi de ne pas se contenter d'avoir un comportement dénonciateur et démagogue. Pour elle les solutions existent ; si tant est que les différents acteurs de la vie à l'université veulent bien taire leurs querelles de clocher et mettre en sourdine les ambitions dont les objectifs sont égoïstes.
    A notre avis, le renouveau universitaire passe par deux types de solutions : d'une part, les instruments doivent être adaptés aux besoins de la nation ; d'autre part, les mécanismes qui se dégagent gagneraient à être rapidement opérationnels.
    En ce qui concerne les instruments, nous dirons que la plupart des textes sont inadaptés et méritent d'être revus par tous les acteurs. Ces textes vont de la loi qui régit l'enseignement et la recherche scientifique, aux décrets d'application et autres textes qui portent sur les différents organes tels que le Conseil scientifique, les Conseils d'administration ou les centres de recherche.
    Un véritable désordre règne, de ce point de vue, dans les universités. Dans un tel contexte, les centres de recherches sont de véritables baronnies inexpugnables qui n'ont de compte à rendre à personne, alors même que, bien souvent ils n'ont pas toujours une existence légale et vivent des subsides de l'Etat. De l'argent circule à l'université et au CENAREST, mais seuls quelques privilégiés y ont droit. Que dire des textes régissant la carrière des enseignants, si ce n'est qu'ils sont dépassés et favorisent la mise en place malsaine d'écuries qui n'ouvrent pas toujours pour le bien de la recherche et de l'enseignement.
    Il en est de même pour les mécanismes - le Conseil de l'Université, le Conseil d'Administration, etc. - qui ne fonctionnent pas depuis une bonne vingtaine d'années. Dès lors, nous proposons à la FRAPES un certain nombre de pistes qui vont de la mise en place de nouveaux pôles universitaires - à Lambaréné, Oyem et Port-Gentil - à l'application de mesures prises lors du dernier Conseil de l'Université - l'existence de nouvelles filières telles que les IUP info-com et Sciences financières - ou encore à l'effectivité de certains organes tels que les Conseils d'administration, le Conseil scientifique dont l'organisation actuelle relève de l'obscurantisme et du mépris pour tous les acteurs de la vie à l'université.
    Nous souhaitons enfin que les syndicats - y compris les syndicats d'étudiants - soient reconnus comme les seuls interlocuteurs légitimes des différentes corporations présentes sur le campus, au lieu de donner du poids à des individus ou à des groupes ethniques, quels que soient leur compétence et leur poids supposé dans le landernau de l'université ou de la recherche.


EN GUISE DE CONCLUSION

    Alors que le passage à l'euro nécessite que des réformes structurelles vigoureuses soient initiées, pour faire face notamment à une concurrence asiatique exacerbée, nos hommes politiques se singularisent par une vision qui n'a plus cours en occident depuis quelques six siècles. D'aucuns pensant encore, en effet, que la richesse c'est l'accumulation ou les réserves - taries - de pétrole.
    Aussi, les mesures prises depuis quelques années - pour consolider une représentativité dispendieuse et arrogante - posent, avec une acuité renforcée, le problème de la justice sociale. C'est ainsi qu'un enseignant-chercheur perçoit près de 900 euros, après avoir dû attendre quasiment deux ans sans percevoir de salaire, alors qu'un parlementaire navigue aux alentours de 5000 euros. A titre de rappel, le parlement coûte à la république près de 12 milliards de francs CFA chaque année, soit, pour céder à une pratique bien dans l'air du temps, plus de 18 millions d'euros.
    Pendant ce temps, le pays n'arrive pas à dégager la moitié de cette somme en investissements pour la sécurité sociale - la vraie - ou la formation du capital humain, entre autres. Or, " aucune société ne peut certes fleurir si la majorité de ses membres vit dans la misère la plus totale " disait, il y a trois siècles, Adam SMITH, un des précurseurs de l'économie libérale.
    Dans un tel concert d'irresponsabilité politique ou de médiocrité paroxystique, la FRAPES souhaite un sursaut de la part des acteurs politiques majeurs de ce pays, parce qu'elle ne peut s'empêcher de regarder ce qui se passe tous les jours dans d'autres pays ; Buenos Aires n'étant qu'à un jet de pierre de Libreville.
    Nous souhaitons donc, à la FRAPES, que des mesures vigoureuses soient prises afin de satisfaire les revendications légitimes des enseignants et chercheurs ; tout en appelant nos amis, qui viennent de ressusciter l'illustre SNEC, à la concertation et au respect de la différence.